Ce ne sera pas le choix éditorial de France Forum dans ce numéro. Nous ne parlerons donc pas du Brexit, si étranger à la culture de l’altérité des Britanniques, de Donald Trump et des murs réels ou idéologiques qu’il rêve d’ériger à travers le monde, de Viktor Orban et des menaces sur la mobilité des idées en Europe centrale, des migrations forcées vers les camps du Bengladesh de l’ethnie Rohingyas pourchassée et exterminée par l’armée birmane, des 140 millions de personnes qui pourraient migrer d’ici à 2050 pour fuir les effets du changement climatique, bref de tous ces exemples où mobilité rime avec repli identitaire, exil forcé et catastrophe humanitaire.
Tournons-nous plutôt vers la mobilité heureuse ! Ce numéro de France Forum regorge d’exemples, connus et moins connus. la route de la soie est le plus remarquable et le plus concret. Ce projet « pharaonique » est un peu à la Chine ce que la conquête spatiale fut aux États-Unis. Un même investissement hors norme, un même désir de travailler pour l’humanité entière, une même volonté d’hégémonie économique aussi. Comme un passage de témoin entre les États-Unis et la Chine au démarrage de ce siècle. L’un se crispe et se replie, l’autre s’ouvre et s’étend.
Moins connus peut-être, les projets de tunnel ferroviaire entre Tarifa et Tanger avec un détroit de Gibraltar qui deviendrait symbole de l’Euroméditerranée et, plus au nord, la liaison entre Tallinn et Helsinki qui apportera aux populations un vrai supplément de qualité de vie. N’oublions pas la liaison ferroviaire Lyon-Turin, controverse environnementale, mais promesse de cohésion encore plus forte entre les sociétés. La question de la mobilité et des transports ne peut se réduire aux aspects financier et technique. Il est essentiel de regarder ce que ces nouveaux projets apportent aux hommes et aux sociétés. Il suffit de constater le succès populaire de l’Eurostar. Grâce à lui, Brexit ou non, le Royaume-Uni sera toujours dans l’Europe et dans le monde.
Tous ces projets sont souvent très anciens, mais les technologies nouvelles – et aussi la volonté d’élus tisseurs de liens et bâtisseurs de rêves (et oui, il y en a aussi) – les remettent au goût du jour et les rendent possibles.
Enfin, au lieu de ressasser sur l’euroscepticisme et sur une Europe en proie au populisme, regardons plutôt le succès du programme d’échange Erasmus et de son « frère jumeau » le processus de Bologne (d’où est né le fameux LMD qui harmonise les cycles d’études en Europe et permet une mobilité très facile) dont nous venons de fêter les vingt ans à Paris. Le président Emmanuel Macron leur a donné un nouveau souffle. Au processus de Bologne, le projet d’« universités européennes », un label attribué aux universités d’Europe qui sauront le mieux oublier les frontières nationales et travailler ensemble. Plusieurs d’entre elles sont déjà au travail pour l’obtenir. Au programme Erasmus, qui a déjà tant fait pour la mobilité des jeunes et la réputation (en bien) de l’union européenne, l’idée est tout simplement de doubler les crédits européens qui lui sont consacrés et de faire avec les lycéens ce qui est fait avec les étudiants depuis trente ans.
La mobilité heureuse existe, nous l’avons rencontrée !