Le monde d'après II

France Forum, n° 78, octobre 2020

Revue France Forum

Le choc de la Covid va-t-il durablement changer les individus et changer le monde ? La manière de vivre, de travailler, de consommer, de prendre soin de soi, de circuler, d’habiter sera-t-elle différente de ce qui était connu jusqu’à présent ?

La communauté d’auteurs de France Forum continue de répondre à cette question au fil des pages de ce nouveau numéro. Aucun d’eux n’est naïf. Hélène Timoshkin, de retour d’une réunion du Cercle des économistes, est même plutôt sceptique quant à la pérennité de ces résolutions. « La question du long terme, les enjeux climatiques et la prise en compte des intérêts des générations futures ne figurent qu’en dernière position [de la déclaration finale], alors que ces thématiques ont occupé une place centrale dans les différentes interventions lors des rencontres », regrette-t-elle. Bien sûr, il faut répondre à l’urgence, à ces millions d’emplois détruits ou menacés à travers le monde, mais, ce faisant, ne risque-t-on pas de remettre à un lendemain toujours plus lointain les changements structurels auxquels on s’était engagé ? En 2008, une fois la crise passée, le capitalisme devait se transformer radicalement. Que ceux qui ont vu un changement lèvent le doigt !

En réalité, il y a peut-être plus à espérer de ce qui dépend directement de l’individu lui-même. Les gestes barrières ont montré, en effet, comment il était possible d’agir à la fois individuellement et collectivement. En devenant une « civilisation de colibris », chacun peut oeuvrer à la survie de la planète. Ryadh Sallem, sportif multidimensionnel, s’interroge, lui, sur la manière de rompre avec la cupidité du monde d’avant, de replacer l’homme et la vie au centre des préoccupations. Il souhaiterait qu’à l’exemple du ministère de la Ville un ministère de la Politique du Vivant soit créé. Justement, la vie des actifs a beaucoup changé avec le confinement. Le travail à distance, jusque-là une pratique exceptionnelle, s’est banalisé et semble s’installer durablement dans le paysage économique et social. Anne Aguiléra et Alain Rallet confirment cet enracinement, mais restent prudents sur ses effets en termes de décarbonation : « Des études montrent que la pratique régulière du télétravail favorise l’éloignement de la résidence au lieu professionnel, donc l’étalement urbain dont on sait qu’il est, lui aussi, favorable à l’achat et à l’usage d’une voiture individuelle. »

Qu’en est-il des systèmes politiques ? Les démocraties ont résisté, mais le populisme n’a pas reculé. Martin Ehl redoute qu’avec la crise sanitaire et les restrictions de libertés publiques ou les atteintes à la séparation des pouvoirs qu’elle a provoquées, l’Europe centrale – Hongrie et République tchèque – ne dérive lentement, mais sûrement, vers un modèle autoritaire de type chinois. « Dans une période économique difficile, le public se soucierait plus de son bien-être économique que de ses diverses libertés, liberté d’expression comprise », redoute-t-il. chacun se tourne alors vers l’Union européenne (UE), coincée entre l’indifférence trumpienne et l’expansionnisme chinois. L’UE n’est jamais aussi créative et efficace qu’en temps de crise. Le déblocage de 750 milliards d’euros au service d’un plan de relance massif l’a encore montré. Les « frugaux » ont dû s’incliner devant les « solidaires », l’Allemagne montrant le chemin de la générosité budgétaire. « L’UE doit désormais se manifester en tant que puissance sous peine de faire les frais de la rivalité sino-américaine, prise entre le marteau et l’enclume », prévient Emmanuel Lincot. L’Union a prouvé aux Européens qu’elle existait. Et si c’était ça, le monde d’après ? Une Union puissante, une Union indépendante, une Union solidaire.

Covid-19
Crise sanitaire
Crises
Coronavirus
Relations internationales
Confinement
Economie
États-Unis
© France Forum
Revue payante
Version numérique
Version papier
x
x